Les bords de l’espace, limites continues

Georges Perec, dans « Espèces d’espaces », parle des limites de l’espace en disant « l’espace, c’est ce qui arrête le regard (…), c’est quand ça fait un angle, quand il faut tourner pour que ça reparte. (…) l’espace, ça a des bords. » Rachel Witheread explore justement ces bords en faisant des moulages d’espaces qu’elle nous restitue comme des pleins. Ce faisant, elle nous parle de mémoire, de matérialisation, d’immortalisation, de momification, de l’absence et du silence dont elle remplie les vides. Eduardo Chillida joue avec les pleins et les vides de la matière comme avec deux contraires nécessaires. Certaines de ses sculptures, certains de ses dessins, pleins et denses, évoquent pourtant des espaces. Notre regard fait automatiquement ce basculement.
Dans ce travail, les étudiants se sont intéressés aux limites continues et périphériques – murs, sol, plafond, angles, bords, volumes en saillie ou en retrait, portes, fenêtres… – qui ceinturent un espace « intérieur » et finalement pourraient nous faire croire que celui-ci est creusé dans la matière. Après le relevé précis d’un espace choisi, chaque étudiant de Mise A Niveau Arts Appliqués a réalisé ses plans puis un coffrage correspondant aux limites intérieures de l’espace, dans lequel a été coulé du plâtre. Certains ont intégré le mobilier aux « bords de l’espace » qui s’est trouvé du coup soustrait au moulage. Ce jeu d’inversion des vides et des pleins a permis de transformer « l’espace disponible » en objet que l’on peut appréhender, observer dans chacun de ses détails, depuis l’extérieur. Un travail photographique a suivi ce travail d’empreinte, dans lequel les « objets » ont été manipulés, assemblés et dans lequel également leur échelle est devenue relative. (Frédéric Limonet)