Issue d’un projet personnel développé en expression plastique, la série photographique « L’instant décisif » de Kelly Dujardin, met en scène de façon suggérée tous les éléments nécessaires et suffisants pour que le spectateur déploie son imagination à partir des informations que l’énoncé visuel propose. Mais l’anecdote peut se lire en deux sens, en rétrospective ou en prospective selon on le sent. On peut être amené à imaginer les circonstances du passé qui ont donné lieu à la scène que l’on a devant les yeux ; ou alors, on peut prévoir ce qui va se passer tout de suite après le drame auquel on est confronté. Ici le mot drame est à prendre plus dans un sens narratif que tragique, car la finesse du regard du photographe réside sur le fait que l’on n’est jamais sûr de la façon dont on doit envisager l’image ; rien ne nous autorise, avec certitude, à savoir si la petite fille est morte ou elle fait la sieste ; on ne sait pas si la jeune femme sur le toit s’amuse ou elle cherche à se suicider victime de sa propre confusion ; on ne saurait pas dire si la petite fleur en premier plan est là en signe de deuil ou en métaphore de l’innocence. Cette polyvalence de l’image est renforcée par la saturation des couleurs qui rappellent très directement les univers absurdes et cauchemardesques de David Lynch, et c’est par ce biais là, que l’on aurait tendance à voir dans cette série, un clin d’œil d’érotisme qui flotte en arrière-plan.