Qui croirait donc que le geste de celui qui dessine libère la perspective ?

Preuve à l’appui avec les étudiants de mise à niveau, pour ce travail monumental, quasi palladien (n’ayons pas peur des mots). La dimension du support impose l’ampleur du geste et un va et vient entre le global et le détail. On saisit une clé de voûte sur l’extrême pointe des pieds, on redescend un fût de colonne accroupi au sol, on parcourt dix fois la longueur de la salle pour une vision globale du dessin, on négocie une ellipse en expirant (toujours à l’expire les ellipses !) alors l’espace restitué sur la feuille est déjà plus vaste et plus fort.

Il s’agissait de retrouver l’aspect monumental et théâtral d’une architecture à partir de dessins et gravures du XVIIIème siècle. Justement cette période parce que c’est à ce moment là que le dessin d’architecture s’émancipe de sa fonction constructive, et devient un formidable outil au service de l’imagination et de l’émotion. La perspective n’y est plus une science de la géométrie, un moyen de « faire vrai », mais un élément de la mise en scène de ces émotions. Dans ce théâtre, l’observateur est une fourmi à la vue perçante et capable d’embrasser une vaste scène. Mais où va t-on en venir ? A comprendre le pouvoir qu’une perspective maîtrisée (c’est-à-dire aussi bien visuellement juste que volontairement fausse) peut exercer sur la force émotive et l’impact de l’image.

PS: Qu’on se rassure –si besoin est–, le té, l’équerre et les points de projection ont toujours de beaux jours devant eux, à l’inspire comme à l’expire !